Mon chien est t-il dominant ?

Beaucoup de propriétaires se posent cette question et nous allons voir en quoi les dernières recherches en éthologie canine, démontrent que celle ci est incongrue.

En 1968, David Mech a étudié des loups en captivité et a constaté qu’un loup avait une position dite dominante. Il a appelé ce loup « le loup Alpha ». Puis dans les années 80 il a publié un autre livre contredisant ce qu’il avait écrit en 1968. En effet, il s’était aperçu que son étude était faussée par le fait qu’elle était basée sur des loups en captivité et non libres dans la nature.

Malgré cela, cette étude a été transposée aux chiens et les professionnels de l’époque, ont été formés sur cette connaissance : le chien pouvait dominer non seulement ses congénères mais aussi ses humains.

Cela a +été très néfaste pour nos chiens de l’époque et, malheureusement, également pour nos chiens d’aujourd’hui car cette croyance perdure encore dans beaucoup de nos considérations canines.

Ainsi, cette croyance permet de punir le chien sans culpabilité, de lui parler mal puisqu’il ne comprend qu’avec un ton ferme et autoritaire, paraît-il. De le soumettre sans ménagement, autrement il va nous dominer, de le faire manger après nous car nous sommes les chefs ! de lui interdire la hauteur, on ne sait jamais (s’il en prenait), de lui faire franchir une porte derrière nous et non pas devant (et si on l’imposait aux chiens guide ?)..ça été le début du calvaire pour les chiens mais le début de l’épanouissement pour certains humains se sentant puissants à détenir le pouvoir sur la bête !

Mais en quoi cette croyance est telle dépassée et absolument fausse ?

La science nous l’a démontré par les données suivantes :

1/ Le chien n’est pas un loup apprivoisé ;

Le chien (canis familiaris) est une espèce domestiquée très différente du loup (canis lupus).

Sa structure sociale est très différente, le loup vit en meute c’est à dire en famille. Cette meute est composée d’un couple reproducteur et de ses descendants de 2-3 ans. Le chien est une espèce polygynandrie (les mâles comme les femelles peuvent avoir plusieurs partenaires).

Les soins allo-parentaux (soins des jeunes par les parents) sont plutôt absents chez les chiens et très présents chez les loups.

2/ La hiérarchie chez les loups est circulaire et non pas linéaire comme l’exigerait une relation de domination/subordination.

Pour la bonne raison que la hiérarchie est exercée par le couple reproducteur sur les louveteaux. Ce sont eux qui ont le plus d’expérience pour la chasse donc plus aptes à maîtriser la survie de la meute.

3/ Ce n’est pas une prise de pouvoir, le subordonné se soumet volontairement sur le dos pour éviter le conflit. C’est de l’anthropomorphisme de penser que le chien cherche le pouvoir.

4/ Depuis les études de Bradshaw de 2009, on sait que l’agression entre chiens est basée sur un contexte de protection de ressources. Un même chien « dominant » peut devenir subordonné dans un autre contexte. Donc cette domination intra-spécifique ne peut être transposée à l’inter-spécifique, car nous n’apportons pas la même valence aux ressources : un os bien charnu, une jolie chienne en chaleur, des croquettes appétissantes ou un jouet « pouicpouic » attractif ne nous attirent pas et le chien le sait. Donc, il ne cherchera pas à être en compétition avec nous. Nous verrons plus loin dans l’article ce que le chien attend de nous.

Selon certaines études le loup (prêt à devenir chien) s’est rapproché volontairement de l’humain par commensalisme (bénéfice partagé) il y a au moins 15 000 ans, peut être 30 000 selon d’autres études. Cette domestication a rendu le chien doué pour s’adapter à nous et à nous décrypter. Il est très sensible aux indices des humains, volontaires et involontaires. Ainsi Miklosi a démontré dans ses études que le chien était capable de reconnaître le pointage (pointer du doigt un objet ou une direction). D’ailleurs c’est la seule espèce des vertébrés supérieurs à comprendre que l’on montre une direction et non pas l’index. C’est aussi la seule espèce à reconnaître la peur, la colère ou la joie sur nos visages. Le chien sait donc reconnaître nos émotions. Alors, que dans le règne animal c’est la posture qui fait fie et non uniquement le visage ou le regard.

En fait, il semblerait que la notion de domination soit plus importante pour les humains que pour les chiens.

Rappelons nous, le chien fait partie d’une espèce sociale pour laquelle le lien social est très important.

Harlow en 1960 l’a prouvé en présentant deux mères de substitution à des bébés singes sans mère naturelle : une mère constituée d’une structure de fer mais délivrant de la nourriture et une autre mère recouverte d’une fourrure mais ne délivrant pas de nourriture. Le bébé singe a préféré se blottir contre quelque chose lui rappelant sa mère plutôt que de se nourrir.

Toute espèce sociale est dénommée ainsi car ses membres sont aptes à prendre en compte l’autre et à communiquer. Le chien a une communication multimodale. Il peut développer une relation affine ou agonistique (fuir, faire fuir, se soumettre) ou suivre un leadership. Au fil de la domestication il a développé la capacité à nous décoder. Et nous ?

Les dernières recherches en éthologie cognitive du chien démontrent que la relation entre le chien et l’humain est basée sur le leadership bienveillant que représente l’humain pour le chien et la balance des interactions entre les deux espèces. C’est à dire, plus il y a de relations positives entre l’humain et le chien, plus le chien développera sa confiance et son envie volontaire à obtempérer aux consignes données par l’humain.

Ainsi, le professeur Dietriche a réalisé une étude sur les chiens malinois de l’armée belge et a démontré que plus le bien être des chiens était augmenté plus leur performance augmentait et moins il y avait de comportements d’agression. 

Pourtant les méthodes coercitives fonctionnent : le chien cesse son comportement indésirable. Alors pourquoi faire attention à son bien être, est ce si important ?

Oui, il est vrai que électriser son chien (avec un collier électrique), l’étrangler (avec un collier étrangleur,) ou le maltraiter par des coups de sonnette (donner des à-coups avec sa laisse) peut faire cesser un comportement car le chien a mal ou a peur d’avoir mal. Mais apprend-il vraiment ? Je crois que la meilleure réponse réside dans le fait qu’il faut très souvent endurcir la punition (étrangler de plus en plus fort, électriser de plus en fort) car le chien ne fait pas l’association désirée, par exemple entre une douleur au cou et le fait de tirer la laisse. Il arrête de tirer oui mais pas pour les bonnes raisons. Et lorsque le comportement s’arrête on constate très souvent une résignation acquise (apprentissage à ne plus produire de comportement d’évitement face à un stimulus aversif) qui d’ailleurs, engendre un mal être mais le chien n’a pas appris.

Prenons un exemple : le port du collier électrique apprend-il au chien le rappel ?

La douleur que ressent le chien, lorsqu’il reçoit une décharge, est associée à ce qu’il voit en même temps : un chien qui court, un enfant jouant, une voiture etc.. Il fait donc une association oui mais négative et pas en rapport avec la consigne de rappel de son humain. Ce qui est très dangereux pour notre quotidien avec lui au sein de notre société. De plus, il y a ce qu’on appelle une « perte de contrôle » et dans ce cas précis, le chien de par son éthologie, a deux réactions possibles : il se fige ou part en courant vers son humain (ou non).

Rappelons-nous la définition de l’apprentissage : c’est un processus de changement volontaire de comportements suite à des expériences antérieures mémorisées. Or, en revenant vers son propriétaire, on pourrait penser que le chien a associé la consigne de rappel, mais son changement de comportement est une réaction et non pas un acte volontaire, décidé.

Une réaction dans la douleur.

Le chien n’apprend pas dans la douleur.

Alors, en quoi a t il appris le rappel ?

Sans équivoque, cette méthode coercitive entraîne la peur et une augmentation du seuil d’agressivité et donc un risque de comportement d’agression. En plus des dégâts physiologiques (brûlure..).

Oui les méthodes coercitives (basées sur la punition) peuvent fonctionner « en surface » mais vous avez toutes les chances d’être obligé d’endurcir vos méthodes punitives (faire de plus en plus mal) et de ruiner la confiance que votre animal met en vous. Alors, qu’on a vu que l’animal « obtempérait » si la relation avec son humain était basée sur la confiance et si vous étiez « un bon guide ».

Cependant, qu’en est il de son bien être ?

Stress, anxiété, phobie ont un impact physiologique (sommeil, nourriture), endocrinien (augmentation de cortisol), comportemental (agression) neurologique (adrénaline), et peuvent engendrer une prise de risque démesuré, et une baisse de performance d’apprentissage.

Donc, prendre en compte le bien être animal n’est pas un luxe idéologique, ce n’est pas « un spa » pour chien mais le seul chemin pour pouvoir coopérer avec lui pendant 10/15 ans.

La science a progressé, nos connaissances ont évolué. La meilleure pratique d’éducation envers nos chiens doit être précédée par l’actualisation de nos connaissances scientifiques. Nous, les professionnels, devons encore davantage nous tenir informé afin de relayer les bonnes informations. Seule l’éthologie apporte des bases scientifiques rigoureuses nécessaires à une pratique éthique avec l’animal.

Car nos chiens font partis de notre monde et sont des êtres vivants, sensibles, réfléchis et capables de prendre des décisions donc d’avoir la bonne attitude.

Mais, peut-être que les chiens nous comprennent mieux que nous ne les comprenons ?